Vayia, 4 juin 2021, 19:14. Je m’élance résolument sur un sentier aride. Depuis cinq ans, je trépigne à l’idée d’arpenter à nouveau, seul ou accompagné, la Grèce, de profiter pleinement de la douceur d’Égine et de son temple dorique. Mais à quoi bon repousser l’échéance chaque année ? Il est 20 heures passées de cinq minutes, Notis avait vu juste : 30 minutes de marche, sans compter le quart d’heure berrichon qui s’impose pour photographier en chemin, entre deux pistachiers, le coucher de soleil naissant. Le moment tant attendu est arrivé, ma patience va enfin porter ses fruits. Me voilà face à l’invisible Aphaïa, ou plutôt devant le sanctuaire qui lui est dédié et qui jadis m’avait irradié par sa beauté. La quiétude que ce lieu m’inspire fera toujours l’effet d’un baume apaisant, celui-là même qui vous donne l’impression d’être ici chez vous. J’aurais pu vous raconter le mythe de cette divinité crétoise, mais, pour saisir la splendeur du monument, nul besoin de récits mythologiques. Les pierres suffisent. En 2016, Hélios était à son zénith lorsque j’ai pu les admirer pour la première fois. En cette soirée si particulière, je cherche à les contempler sous un autre angle. Quelle déception lorsque le gardien du site, non sans sollicitude, m’annonce : « Fin des visites pour ce soir, exceptionnellement. » Exit les clichés époustouflants que je m’imaginais déjà capturer. Le moteur ronflant du guichetier s’éloigne peu à peu, je me décide alors à faire le tour du périmètre, au cas où une faille se présenterait dans la clôture. Visiblement, je ne suis pas le seul à avoir voulu admirer le golfe Saronique depuis ce promontoire en pareille heure, le grillage présente encore les stigmates de tentatives d’assaut avortées. Avec une branche robuste trouvée à proximité, j’essaye d’ériger une passerelle de fortune. La pente trop abrupte tue dans l’œuf mon envie viscérale. Si seulement je pouvais me glisser dans la peau de ce chat errant, pour être totalement libre de mes pas, de faire rejaillir mon émerveillement passé face à la simplicité de ces colonnades élancées. Qu’à cela ne tienne, je suis revenu cette année en terre éginète spécifiquement pour ce temple, les premières lueurs de l’aube seront peut-être plus fructueuses. Sur le chemin du retour, un projet se dessine. Les trésors de ce monument font la part belle aux collections de grands musées européens. Pourtant, la démesure du Parthénon happe toujours plus les touristes. Il faut sortir Aphaïa de l’ombre.